GRANDE INTERVIEW

Dans la perspective des élections présidentielles ivoiriennes annoncées en fanfares, les leaders politiques ayant des ambitions légitimes mais restés jusque-là réservés sortent du bois pour se faire entendre. Le président de l’Entente des Indépendants de Côte-d’Ivoire (EDI-CI), Sékou Samba Koné, fait partie de ceux qui donnent de la voix sur la scène politique ivoirienne. À bâton rompu, il s’est confié à notre Rédaction.
Lisez plutôt !
ndaarnews.com : Monsieur le Président, Veuillez présenter votre parti politique qui semble peu connu des populations ivoiriennes.
Sékou Samba Koné :
Avant tout propos, je tiens à saluer le site ndaarnews.com, le journal LE VÉRIDIQUE, vos équipes respectives et l’ensemble des médias maliens. Particulièrement, vous qui êtes venus vers nous pour interroger l’Histoire en vue d’informer vrai votre lectorat. Je suis vraiment content des enquêtes et investigations médiatiques de ce genre en Afrique puisque, pour notre cas précis, cela permettra aux Ivoiriens et à nos frères et sœurs africains de savoir qu’outre celui d’Houphouët Boigny il existait sur l’échiquier politique national ivoirien d’autres grands partis dont le nôtre. À savoir l’Entente des Indépendants de Côte-d’Ivoire (EDI-CI). C’est un parti historique fondé par un autre grand et charismatique leader politique ivoirien, en l’occurrence Sékou Sanogo. Après cette parenthèse, il me revient de révéler aux jeunes générations que, dans le passé, il existait l’Entente des Indépendants de Côte-d’Ivoire (EDI-CI). Un parti politique fondé, le 31 janvier 1949, par le leader Sékou Sanogo. Auparavant, au plan politique, il y a eu trois voire quatre périodes qui ont marqué l’Histoire africaine. Ce sont la période de l’esclavage, la période de la colonisation, la période de la décolonisation ou de lutte pour l’ émancipation des Peuples africains et la période dite de l’Afrique des Indépendances. Dans la période de la lutte pour l’accession à l’Indépendance nationale, des braves cadres africains ont risqué leurs vies pour que nous soyons aujourd’hui libres de toute activité obligatoire, sous la contrainte des chicotes et autres formes de domination et d’exploitation de l’Homme par l’Homme. Des leaders tels que Léopold Sédar Senghor, Modibo Kéïta, Mamadou Konaté, Sékou Touré, Ouenzin Coulibaly et tant d’autres qui se sont battus corps et âme pour notre liberté. Sékou Sanogo, qui fut l’un de ces valeureux combattants pour l’émancipation des peuples africains avait rejoint Félix Houphouët Boigny pour procéder ensemble à la création du Rassemblement Démocratique Africain (RDA), en 1946, à Bamako, République du Mali.
À cette occasion, il y a eu plus de 800 Délégués venus de toute l’Afrique pour se retrouver à Bamako. À la suite de ce rassemblement dont le but initial était de s’unir pour combattre la colonisation, des vaillants et charismatiques leaders africains ont eu à créer leurs propres formations politiques dans leurs pays. Parmi ceux-ci, il y avait un renommé Sékou Sanogo dont le nom et l’œuvre sont bel et bien gravés dans les annales des archives africaines qui porta sur les fonts baptismaux le parti appelé l’Entente des Indépendants de Côte-d’Ivoire (EDI-CI). Voilà, brièvement, comment a pu naître notre parti qui avait été donné pour mort. Enfin, j’ajouterais que le père fondateur de l’EDI-CI, en l’occurrence Sékou Sanogo, avait eu comme crime impardonnable d’avoir osé dire non aux Hommes de l’ombre des colonisateurs comme Félix Houphouët Boigny et alliés.
Brièvement, que s’est-il passé entre Félix Houphouët Boigny et Sékou Sanogo ?
En 1948, Sékou Sanogo a découvert un sentiment égocentrique de la part d’Houphouët Boigny à l’encontre des Responsables et militants des autres partis alliés. En fait, Houphouët voulait la formation d’un parti unique et ne supportait pas les débats d’idées. Face à ce genre de comportements autocentrés de Félix Houphouët Boigny et de ses partisans, Sékou Sanogo a eu le courage de quitter l’Alliance signée avec le RDA, un pacte devenu un véritable carcan, pour fonder sa propre formation politique, le 31 janvier 1949 (ndlr/EDI-CI). En plus, courant 1950, il fonda un mouvement politique, la coalition démocratique, pour compétir avec le RDA qu’il jugeait d’une machine de duperie de la part d’Houphouët Boigny et ses amis colons. Voilà la raison fondamentale du divorce Houphouët -Sékou Sanogo.
Vous voulez faire renaître sur l’échiquier politique national ivoirien un des partis historiques de l’Afrique francophone jadis disparu. À savoir l’Entente des Indépendants de Côte-d’Ivoire (EDI-CI). Êtes-vous suffisamment prêts à accomplir cette mission, à relever les défis majeurs auxquels vous serez certainement confrontés
?
Je viens droit au but à la réponse de votre question de savoir si réellement nous sommes suffisamment prêts à relever les défis de faire découvrir ce grand parti dont nous sommes des dignes héritiers des pères fondateurs, je suis affirmatif. Nous sommes prêts à accomplir cette noble et patriotique mission de faire découvrir aux jeunes générations d’acteurs politiques de notre pays, la Côte-d’Ivoire, l’existence d’autres leaders politiques ayant contribué vaillamment aux côtés des Houphouët sinon plus qu’eux à l’émancipation et à la lutte de libération de notre pays.
Avez-vous les coudées franches face aux obstacles à surmonter sur le front socio-économique aussi ?
Oui, nous avons les coudées franches pour faire renaître ce parti de ses cendres pour réhabiliter les valeurs et mérites de nos devanciers. Pour les nobles et patriotiques missions du genre, les enfants ivoiriens en général et les militants, sympathisants et Responsables de l’EDI-CI en particulier ne manqueront jamais des ressources humaines et intellectuelles avec les ressorts nécessaires. C’est un devoir de génération pour nous. Donc, un combat que nous mènerons avec honneur, fierté et forte conviction de faire triompher à l’avenir.
Mais, Houphouët était avec plusieurs autres grands leaders africains n’est-ce pas ?
Oui ! Mais, très malheureusement, les leaders comme Sékou Touré, Modibo Kéïta, Ouenzin Coulibaly, Kwamé Nkrumah et autres n’ont pas vite compris le jeux de roublardise d’Houphouët. Ce n’est que tardivement qu’ils ont compris que leurs collaborateurs ivoiriens, en l’occurrence Félix Houphouët Boigny n’était qu’en train de leur rouler dans la dans la farine au profit des colons français. Chose qui va emmener Sékou Sanogo à se présenter aux élections législatives du 17 juin 1951 au sortir duquel il sera élu Député à l’Assemblée constituante française, au même titre qu’Houphouët.
Pourtant, c’est Felix Houphouët Boigny qui est devenu le père de l’Indépendance de la Côte-d’Ivoire. Alors, à ce niveau, qu’est-ce qui s’est réellement passé ?
Pour la petite histoire, le 2 janvier 1956, face à Houphouët Boigny, Sékou Sanogo a perdu, lors de la dernière élection législative qui devrait lui permettre de devenir le 1er Président de la Côte-d’Ivoire en 1960. C’est suite à une complicité du Général Charles De Gaulle avec Houphouët et bien d’autres Chefs de communautés corrompus qui ont cédé à lui trahir pour lui déposséder sa victoire logique. Mais, je vous informe que durant sa présence en tant que Député à l’Assemblée constituante française, Sékou Sanogo n’est pas resté les bras croisés. Il a fait voter de nombreuses lois, telles que celle liée à l’organisation de la chefferie traditionnelle africaine. Il a fait des villes de Bouaké et de Grand-Bassam (ndlr/en Côte-d’Ivoire) des communes de plein exercice. Il a fait voter des projets de textes permettant la création des maisons des anciens combattants, aujourd’hui appelée la maison des anciens combattants, pour ne citer que ces cas de ses réalisations. L’une des causes de la disparition politique de Sékou Sanogo est liée au projet de loi relatif à l’amélioration des conditions de vie des anciens combattants africains. Ceci étant donné que ces derniers vivaient dans la misère totale. Ce projet a été combattu par le gouvernement français sous Charles De Gaulle.
Dans quelles circonstances a disparu de la scène politique ivoirienne Sékou Sanogo ? Des circonstances entourées de trop de mystères et d’interprétations controversées.
Effectivement, Sékou Sanogo va mourir dans des circonstances non encore clarifiées, le 26 septembre 1958, à Bouaké. Malheureusement, la France affirme qu’il serait décédé en 1962 en lieu inconnu. Ce n’est pas fondé. Après son décès mystérieux, on n’a plus jamais entendu parler de Sékou Sanogo, ni dans les livres et manuels scolaires ni dans les actes de reconnaissance des mérites à décerner aux héros de l’ Indépendance nationale ivoirienne. Seules dans quelques déclarations et témoignages occasionnels livrés par des acteurs politiques des anciennes générations que son nom est mentionné. Son parti politique que je dirige aujourd’hui avait été interdit de toute activité politique sur toute l’étendue du territoire ivoirien, à travers la loi n°315 du 21 septembre 1960 obligeant tous les partis et mouvements politiques de l’époque à intégrer de gré ou de force le PDCI. Mais, aujourd’hui, je peux rassurer à l’ensemble des populations ivoiriennes et africaines que nous sommes déterminés à faire en sorte que la vérité soit connue et que justice soit faite. Pour nous, la responsabilité politique de la France concernant cette disparition de Sékou Sanogo n’est pas à exclure. Elle doit présenter ses excuses au peuple ivoirien. L’État de Côte-d’Ivoire doit reconnaître cette erreur historique et procéder à la réhabilitation du leader Sékou Sanogo.
Qu’attend-on de ce retour escompté de votre parti ?
Je dirais à mes concitoyens que l’EDI-CI renaît pour le bonheur des Ivoiriens et des populations africaines.Nous n’allons pas faire de bruits pour demander aux gens d’adhérer. Toute personne consciente de cette réalité doit se joindre à nous, non seulement pour relever l’EDICI, mais aussi et surtout, demander que l’Histoire soit réécrite en vrai. C’est vilain et malheureux de constater qu’on a jamais enseigné qu’en Côte-d’Ivoire il y a eu des élections législatives le 17 juin 1951 et le 2 janvier 1956. C’est malhonnête et, avec çà, on veut nous faire croire que Sékou Sanogo n’a jamais existé. Même le site de l’Assemblée nationale ivoirienne ne parle pas de ces périodes. Comme si Sékou Sanogo n’était pas Député pour le compte de la Côte-d’Ivoire. Voilà pourquoi je dis que l’EDI-CI, c’est le parti de ceux qui veulent la justice et le rétabliss ment de la vérité et l’équilibre de l’Histoire. Quant à la nouvelle équipe dirigeante de l’EDI-CI, nous sommes prêts pour cette bataille. En ce qui nous concerne, nous sommes prêts pour restaurer l’EDI-CI et avec nous les Ivoiriens épris de paix et de justice. Tous ceux qui nous suivent de près ou de loin savent la réalité et ne vont pas tarder à se joindre à nous, parce que c’est leur combat. C’est à eux, les Ivoiriens, qu’on a menti, c’est à eux qu’on a fait croire qu’après 1945 il n’y a eu élection qu’en 1980, alors qu’il y a eu d’autres élections.
Êtes-vous sûr que votre message sera reçu et suivi par les Ivoiriens ?
Je sais que les Ivoiriens sont assez intelligents et ils vont se joindre à l’EDI-CI, parce que c’est là qu’ils pourront réclamer leurs droits à l’information juste et équitable pour une Côte-d’Ivoire de paix. Nos réels objectifs est de faire renaître l’EDI-CI. C’est pareil pour un imam , un pasteur, un prêtre catholique dont le rôle essentiel est de faire vivre l’espoir en l’existence de Dieu. Notre rôle, c’est de dire la vérité aux Ivoiriens et aux Africains: soyez solidaires, unis dans l’espoir de vaincre l’injustice ensemble. C’est un combat perpétuel pour nous tous. Nous sommes un vieux parti et nous avons le bâton qu’il faut pour tracer cet espoir, tout en nous inspirant du chemin de notre leader Sékou Sanogo.
Votre lecture de ce qui se passe dans le pré-carré français jadis ?
Tout ce qui se passe aujourd’hui, dans certains pays, comme au Mali, au Burkina-Faso, au Niger, au Tchad, au Sénégal et bientôt dans plusieurs autres pays, était déjà défini et écrit par Sékou Sanogo. Sékou Sanogo avait averti la France qu’aucun Africain n’acceptera le retour en arrière. De quelque manière que ce soit, le travail forcé ou la domination ne resterait plus la seule forme de collaboration. Aujourd’hui, cela se concrétise, à cause de l’entêtement de la France. L’EDI-CI est la racine de la Démocratie en Côte-d’Ivoire. L’EDI-CI est tout un symbole. C’est le parti qui a fait germer sur la carte, dès les années 50, l’idée de multipartisme et de Démocratie. L’Indépendance de nos États doit être visible et viable. Notre leader Sékou Sanogo fut l’un des premiers Africains à demander que le contrôle de la surveillance de nos territoires et mers soit confiés aux Africains. Ce qui suppose que c’est depuis l’accession de nos États à leur Indépendance que les troupes françaises devraient rentrer.
Votre conclusion !
Nous allons poursuivre et achever le rêve de notre leader Sékou Sanogo qui fut Grand Conseiller de l’AOF. Nous tendons la main à tous nos frères et sœurs ivoiriens et africains. Il revient à tous les États africains d’honorer la mémoire de Sékou Sanogo, au même titre que Lumumba, Sankara, Modibo Kéïta et tant autres… Des rues, des universités, des monuments doivent porter son nom. Chose que nous souhaitons aussi en Côte-d’Ivoire. Sur ce, je voudrais encore une fois vous remercier pour l’intérêt que vous accordez à notre combat. Courage et détermination à tous et à toutes.
Réalisée par Bourama Traoré et Habib Diallo